23 – Place Stalingrad et gare ferrovière

La place Stalingrad et la gare ferroviaire

La place Stalingrad

Au début du XXe siècle, se trouvaient plusieurs monuments remarquables autour de cette place :
• face à l’office de tourisme, la bascule du poids public et le bureau de l’octroi, aujourd’hui démoli
• à l’emplacement de l’actuel hôtel St-Psalmet, l’hôtel Pintou, haut lieu de la gastronomie limousine
• face aux escaliers menant à la gare, une croix monumentale en bois, reposait sur un socle de granite
Pour en savoir plus sur ces trois monuments, voir ci-dessous la section « Pour aller plus loin »

La gare ferroviaire
L’inauguration fut faite le 5 janvier 1881. Le Président Sadi-Carnot, venu à Limoges, délégua vers Eymoutiers son sous-secrétaire d’état, M. Raynal qui vint par le train, accompagné du sénateur Justin Ninard et d’une cohorte d’officiels. Ils furent accueillis dans une gare d’Eymoutiers enneigée mais pavoisée et dans la ville en fête. La municipalité Nony offrit un banquet de 120 couverts à l’hôtel Pintou où de nouveaux projets furent élaborés (malheureusement sans suite), comme la construction d’une ligne Eymoutiers-Bourganeuf ou l’arrivée du gaz de ville dans la cité pelaude.

Train touristique à vapeur circulant pendant la période estivale

Tournage du téléfilm « Un Village français »

C’est sur la place d’Armes que se tient la fête foraine annuelle. Elle est représentée sur la carte postale ci-dessous dans les années 1910.

Pour aller plus loin :

Sur le haut de la place d’Armes, en 1903, sous la municipalité Pradet, a été édifié un petit bâtiment de style composite qui allait devenir familier aux Pelauds : la bascule du poids public et le bureau de l’octroi. L’architecte en était M. Joly. Ce petit édifice a été démoli.

carte postale montrant l’avenue de la Paix et la bascule (à droite)

Plan du bâtiment

Au bas de la place d’Armes se tenait un haut-lieu de la gastronomie limousine, un établissement de renommée nationale : l’hôtel Pintou. Les fins gourmets venaient de fort loin pour y déguster les truites de la Vienne et ses saumons, les cèpes du Limousin ainsi qu’une cuisine raffinée. L’hôtel assurait, grâce à sa voiture hippomobile, conduite par M. Dupuy, une navette jusqu’à la gare distante de 100 mètres pour aller chercher les voyageurs et leurs bagages. Comble de raffinement pour l’époque, il y avait un garage les voitures automobiles ! En 1909, une annexe sera construite et, en 1919, Monsieur Gilet succèdera à Monsieur Pintou.

Cette croix monumentale du XIXème siècle, aujourd’hui disparue, était implantée au fond de la place d’Armes, en face des escaliers menant à la gare. Elle était en bois, reposant sur un socle en granite à trois étages. Le christ était en métal.

La place d’armes, un jour de foire, avec la croix au fond devant la gare

Elle fera l’objet d’une polémique au sein du conseil municipal du docteur Pradet, alors maire. En 1903, il est question d’enlever la croix qui menaçait ruine. Le journal « Le Socialiste de la Haute-Vienne » nous dit que «  malgré son caractère divin, la vieille croix de la place d’Armes tombait en ruines, se pourrissait ». Il relate que Monsieur Pradet « semblant peu pressé d’y souscrire a requis une somme importante pour effectuer l‘opération, soit 5000 francs, alors que la croix pourrait être enlevée pour rien ». La municipalité pensait la remplacer par une plus solide, mais le 14 septembre 1902, le conseil municipal avait demandé « l’enlèvement de tous les calvaires et processions sur tout le territoire de la commune ». Finalement la croix sera démolie et les tergiversations du docteur Pradet lui vaudront d’être traité de « dépendeur de christ poli ».

Un échange épistolaire a eu lieu entre François Deguillaume et Jules Fraisseix en 1920 à propos de la croix (qui avait été remontée ?). Dans la séance du conseil municipal du 20 juin, le conseiller Jean Meilhac donne lecture du courrier de François Deguillaume, négociant ;

« Eymoutiers, le 10 mai 1920,

Monsieur le Maire,

J’ai le devoir de vous faire connaître que le 10 août 1918, j’adressais à la Mairie d’alors la lettre suivante :

Monsieur le Maire, j’ai l’honneur de vous connaître que l’ouragan du 17 juillet dernier a brisé la Croix de la Place d’Armes. Cette croix plantée sur l’emplacement de l’ancien cimetière en 1852, puis remplacée en 1892 est un témoignage de la Foi de nos ancêtres et un souvenir que tous les catholiques ont à cœur de voir se conserver, en ce moment surtout où la Religion semble plus indispensable que jamais dans notre société. A ces considérations et à la prière d’un grand nombre d’habitants d’Eymoutiers et de la commune, je viens vous demander ainsi qu’à votre Conseil, l’autorisation de rétablir la Croix, nous laissant tous les frais à notre charge ; un vote contraire entraînerait la suppression de la Croix. Aussi aimé-je à penser que l’Assemblée sera unanime à vouloir conserver cet emblème qui rappellera à bien des familles qui n’ont pas pu faire transporter les restes des leurs dans le nouveau cimetière que leurs morts sont toujours sous la protection de la Croix.

Dans cette attente, je vous présente, Monsieur le Maire, mes biens respectueuses salutations.

Signé F. Deguillaume »

« Je viens d’apprendre que la Conseil avait décidé d’attendre la fin de la guerre pour s’occuper de la réponse à faire. J’ai donc bien l’avantage, Monsieur le Maire, de vous renouveler la demande, vous priant d’en saisir votre Conseil, espérant qu’il voudra bien se pénétrer des raisons invoquées et reconnaître l’utilité de notre demande.

Dans cette pensée, je vous prie Monsieur le Maire d’agréer l’expression de mon respect.

F. Deguillaume »

Monsieur le Maire donne lecture au Conseil de la lettre qu’il se propose d’adresser à M. Deguillaume, en réponse à sa demande. Cette lettre dont la teneur est approuvée à l’unanimité par le Conseil est la suivante :

« Monsieur Deguillaume,

En réponse à votre lettre du 10 mai dernier et demandant la résurrection de la Croix de la Place d’Armes, le Conseil Municipal a pris la délibération suivante :

Le Conseil Municipal déclare qu’il n’est pas disposé, tant s’en faut, à laisser installer ou réinstaller sur la voie publique des monuments religieux quels qu’ils soient. Il se permet de vous poser cette question : Étant donné que rien n’arrive dans le monde sans l’ordre ou la permission de leur dieu, les catholiques d’Eymoutiers ne devraient-ils pas admettre la chute de la croix comme une manifestation de la volonté divine et ne se mettent-ils pas en position de révolte contre cette volonté en prétendant réparer ce qu’elle a détruit ?

Quant au caractère de conservation de la place comme ancien cimetière, il est effacé depuis longtemps : le cimetière a été désaffecté ; on y a fait divers travaux de terrassement ; on y tient la fête publique ; on y fait des bals ; vous-même, M. Deguillaume vous y faites rouler chaque jour des voitures pour votre négoce ; c’est un champ de foire où vous avez vendu des cochons en bandes innombrables. Enfin l’emplacement du calvaire sera utilisé pour l’emplacement d’un nouvel escalier.

En un mot et pour conclure, le Conseil Municipal rejette votre demande.

Agréez, etc.

Le maire, Dr Fraisseix »